Intolérances alimentaires
Entretien avec le docteur Jean-Pierre Willem
Les amis des médecines naturelles connaissent déjà bien le docteur Jean-Pierre Willem. Fondateur de l’association humanitaire « Les médecins aux pieds nus », à 76 ans Jean-Pierre Willem continue d’exercer bénévolement comme conférencier, chirurgien de guerre à l’étranger et auteur d’ouvrages de santé…Je vous fais suivre aujourd’hui l’entretien qu’il a accordé aux abonnés du mensuel Alternatif Bien-Etre concernant les intolérances alimentaires,qui seraient la cause cachée de 80 % de nos maladies !
Docteur Willem, pour commencer, il faut noter une confusion que nous faisons trop souvent…
Jean-Pierre Willem: Oui, on parle effectivement beaucoup des allergies mais très peu des intolérances alimentaires. Or 8 allergies sur 10 sont en réalité des intolérances. 85 % d’entre nous en souffrent sans savoir qu’elles sont la cause cachée d’une foule de problèmes de santé.
Quelle est la différence entre allergies et intolérances?
Comme les allergies, les intolérances alimentaires sont une réaction disproportionnée du système immunitaire à la suite de l’ingestion d’un aliment. En cas d’allergie, ce sont les anticorps appelés IgE (immunoglobulines gamma E) qui répondent à l’aliment allergène, qu' on appelle alors « antigène ». La réaction est rapide, brutale et porte sur les muqueuses et sur la peau. La personne présente rapidement des symptômes du type urticaire, conjonctivite, rinorrhée, diarrhée voire choc anaphylactique.
S’il s’agit d’une intolérance, les cellules immunitaires qui réagissent sont les immunoglobulines gamma G (IgG). Les symptômes alors sont plus sournois, obscurs et n’apparaissent que deux jours après l’ingestion. Au-delà, les intolérances peuvent générer de graves problèmes de santé.
Quel est le mécanisme des intolérances?
Dans le cas d’une intolérance, ce sont les protéines de l’aliment qui provoquent la réaction. Les protéines mal tolérées provoquent toujours une inflammation et une dysbiose intestinale. Agressée, la paroi de l’intestin devient poreuse. C’est ainsi que des protéines altérées sont amenées à franchir la membrane de l’intestin. Ces protéines, mais également des débris alimentaires, des virus, etc. passent dans la circulation sanguine. Là, l’organisme qui les reconnait comme antigènes les combat via les IgG. C’est alors que se manifestent divers symptômes que l’on ne relie que rarement à un aliment.
Lesquels?
Au départ, ce sont des perturbations locales des intestins : diarrhées, constipation, douleurs abdominales, troubles du transit et ballonnements. Cela peut aussi donner des ulcères gastroduodénaux surtout avec le lait, le soja et les œufs, ainsi que des colites et autres syndromes de côlon irritable, qui concernent un Français sur quatre. Ensuite il y a des perturbations à distance. Une dérégulation multiple se manifeste, par exemple par une prise de poids, une résistance à l’insuline et une hyperglycémie : c’est le syndrome métabolique. On assiste également à des désordres ORL comme les allergies ou les sinusites : lorsque les intestins sont encombrés, la voie de sortie la plus proche pour les déchets est l’autre bout du système digestif ! Ensuite viennent les pathologies cutanées comme l’eczéma et le psoriasis. Quant aux migraines dont 7 millions de Français sont affligés, elles sont causées à 90 % par des aliments sensibilisants : céréales à gluten, caséine, œufs, soja ou encore tabac, alcool et pilule contraceptive.
Et il y a plus grave…
Au-delà de ces premiers symptômes, les conséquences des intolérances alimentaires sont multiples et parfois sévères. Par exemple, quand les débris alimentaires qui ont passé la barrière intestinale rejoignent la circulation cérébrale, les lymphocytes B chargés de la production d’anticorps se déploient pour les neutraliser. Si le combat se prolonge, les lymphocytes B en excès peuvent se retourner contre le corps lui-même. C’est alors qu’apparaissent des maladies auto-immunes comme la polyarthrite rhumatoïde ou laspondylarthrite ankylosante. L’intolérance au gluten en particulier peut donner une hypothyroïdie, tandis que la caséine du lait peut provoquer unehyperthyroïdie.
Mais c'est une liste interminable !
Et qui n’est pas finie : au-delà de la barrière intestinale, nous avons d’autres niveaux de protection. Quand la barrière hémato-encéphalique qui sépare le cerveau du système sanguin perd son étanchéité, apparaissent lasclérose en plaques, les maladies de Parkinson ou d’Alzheimer. Toutes signifient que la dernière barrière a sauté. Et puis il y a tout le cortège des troubles comportementaux : hyperactivité, autisme, épilepsie et schizophrénie sont tous liés à des intolérances au gluten et à la caséine du lait. Enfin, il ne manque plus que le cancer pour conclure cette liste.
Les intolérances alimentaires semblent être un phénomène nouveau. Comment l'explique-t-on ??
C’est exact. Et cela est lié au fait que l’évolution de l’organisme humain a été beaucoup plus lente que celle de l’environnement. Par exemple, Il y a quelques milliers d’années, le blé n’avait que 14 chromosomes. Ensuite on a fait des hybridations et obtenu de multiples variétés nouvelles dotées d’environ 42 chromosomes. Le corps ne sait pas quoi en faire, nous n’avons pas les défenses immunitaires pour faire face à autant de nouveaux agents.
Et puis il y aussi les médicaments : par exemple, les bisphosphonates utilisés contre l’ostéoporose agressent les muqueuses et provoquent une dysbiose intestinale, avec pour conséquence une déminéralisation, le comble ! Et j’en passe… Sur le plan de l’hygiène, l’excès d’asepsie ne stimule pas suffisamment le système immunitaire. Notre excès d’hygiène génère des systèmes immunitaires peu adaptables.
Quels sont les aliments impliqués ?
Les plus courants sont la caséine du lait et le gluten des céréales comme le blé, l‘avoine, le seigle, etc. Quand on est intolérant à l’un, on l’est également à l’autre. Idem pour le soja et le chocolat.Mais on peut être intolérant à bien d’autres aliments, comme certains fruits exotiques, le sésame, les amandes, les cucurbitacées, le soja, les lentilles, etc. Tous les aliments peuvent générer des intolérances ! Donc il est de première importance de les repérer.
De quelle manière ?
Si l’on soupçonne une intolérance au gluten ou aux produits laitiers, pour environ 80 euros, on peut faire réaliser une peptidurie par un laboratoire d’analyses médicales. Ce test, non remboursé, informe sur la présence de peptides opioïdes dans les urines, résultat d’une mauvaise assimilation du gluten du blé et de ses dérivés et de la caséine des produits laitiers. Ce sont les sources d’intolérance les plus courantes. Pour environ 100 euros, on peut faire un test sanguin des 22 antigènes alimentaires les plus connus. Pour un budget plus conséquent, on peut tester jusqu’à 270 aliments avec le test Immupro.
Ces tests coûtent tout de même cher. Existe-t-il une méthode pour les petits budgets ?
Je suis bien d’accord avec vous ! C’est pourquoi je propose d’autres manières de repérer ses intolérances alimentaires. L’une d’entre elles, gratuite et totalement fiable, est le test du pouls du Dr Arthur Coca. Elle est basée sur l’observation du fait qu’en dehors d’une émotion forte ou d’un effort, le pouls est stable mais que, dès lors que vous ingérez un aliment qui ne vous convient pas, il accélère. Le protocole, très simple, est donc le suivant :
- Prenez votre pouls pendant une minute avant de manger.
- Faites la liste exhaustive des ingrédients ingérés.
- Reprenez votre pouls une demi-heure après le repas et encore une demi-heure plus tard.
Si votre pouls accélère de plus de 5 pulsations par minute, c’est qu’il y a intolérance à un ou plusieurs aliments ingérés. Le niveau d’accélération témoigne de la sévérité de l’intolérance.
Pour que le test soit fiable, il faut avoir arrêté complètement de fumer pendant au moins 24 heures car on peut être intolérant à sa propre tabagie. Par recoupement, au bout de quelques jours, vous aurez repéré les éventuelles intolérances à vos aliments quotidiens. Cela demande une certaine rigueur mais c’est totalement fiable. Quand vous soupçonnez un aliment, vous pouvez le manger isolément et refaire le test. Attention, ce test procure parfois des surprises : le Dr Coca cite le cas d’une femme qui découvrit par cette méthode son intolérance au dentifrice qu’elle utilisait depuis des années. C’était la cause de ses migraines. On peut aussi être intolérant à un parfum, au tabac ou à toute autre substance présente dans son environnement. Pour repérer ces intolérances non alimentaires, il faut prendre son pouls dès le matin au réveil. C’est une vraie enquête de police mais qui peut vous faire retrouver la santé !
Une fois que l'on a isolé une ou plusieurs intolérances alimentaires, que faire ?
La solution, c’est l’évitement, voire l’éviction totale de l’aliment incriminé en fonction de la sévérité de l’intolérance. Pendant quelques jours, cette éviction peut amener une aggravation des symptômes mais cela ne dure pas. Au bout de six mois, on peut tenter la réintroduction. Si le produit incriminé déclenche une nouvelle réaction, c’est que l’intolérance persiste. Il vous faut de nouveau écarter l’aliment et renouveler le test plus tard. À la longue, beaucoup d’intolérances finissent par céder.
Merci, docteur Willem, et bien à vous tous !
Julien Venesson, rédacteur en chef d’Alternatif Bien-Etre.
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